Sécurité sur la Route blanche
La Route blanche est avant tout destinée à l’usage des motoneiges. Cela dit, les lois en vigueur ne semblent pas y interdire l’usage de fatbikes. Il convient donc d’évaluer les risques liés à cette pratique.
En vertu de l’article I-1.4.4 de la norme du Ministère des Transports du Québec (2019a), la vitesse affichée est 10 km/h inférieure à celle de la vitesse de base. Sachant que la vitesse affichée sur la Route blanche est de 70 km/h, on peut conclure que la vitesse de base y est de 80 km/h.
En vertu de l’article I-7.3 de cette norme, le temps de perception-réaction nommé PIEV (Perception-Intellection-Émotion-Volition) est généralement fixé à 2,5 secondes, soit le PIEV de 95e centile de tous les conducteurs. Conséquemment, la distance parcourue pendant la perception-réaction, à 80 km/h, est de 55,6 m.
Le Tome I de la norme ne fournit pas de données quant à la distance de freinage des motoneiges. Alger & Osborne (2014) présentent cependant des données à ce sujet. En convertissant leurs données au système métrique, on obtient les valeurs présentées au tableau 1.
Tableau 1 – Distance de freinage des motoneiges
Surface | Glace | Neige compactée | Neige compactée | Neige compactée |
Vitesse (km/h) | Pente de 0 à 8 % | Pente de 0 à 8 % | Pente de 8 à 15 % | Pente de 15 à 25 % |
48 | 86,8 | 18,6 | 25,8 | 31,0 |
56 | 118,2 | 25,3 | 35,1 | 42,2 |
64 | 154,4 | 33,1 | 45,8 | 55,1 |
72 | 195,3 | 41,8 | 57,9 | 69,7 |
80 | 241,2 | 51,7 | 71,6 | 86,1 |
89 | 291,8 | 62,5 | 86,6 | 104,2 |
La distance de freinage sur une surface glacée est très élevée en raison du faible coefficient de friction de cette dernière. Ces résultats concordent avec ceux d’Hermance (1997), lesquels peuvent également être convertis au système métrique. Cela dit, Hermance (1997) obtient de bien meilleurs résultats pour les motoneiges dotées de chenilles à crampons. Il mesure que, sur la glace, la distance de freinage d’une motoneige dont les chenilles ne sont pas équipées de crampons est approximativement 500 % supérieure. Sur une surface de neige compactée solidement, cette distance est environ 100 % supérieure.
Le Règlement sur la motoneige (Gouvernement du Québec, 2019b) exige aux motoneiges de pouvoir « s’arrêter sur une distance maximale de 11 m à partir d’une vitesse initiale constante de 30 km/h », et ce, « […] sur de la neige tassée avec un conducteur de 80 kg […] ».
Les résultats d’Hermance (1997), sur ce type de surface, sont conformes à cette exigence. Faute de plus amples détails, on suppose que cette exigence est vérifiée sur une surface plane.
En comparant les résultats d’Hermance (1997) avec ceux d’Alger & Osborne (2014), on observe un écart d’environ 25 %. Cette marge est raisonnable compte tenu des variations de la surface de neige et de l’utilisation de différents modèles de motoneiges. La distance de freinage observée par Alger & Osborne (2014) est plus élevée et le choix de cette dernière est donc conservateur.
En ajoutant la distance de freinage à la distance de visibilité d’arrêt, on obtient donc un résultat de 107,2 m sur une surface de neige plane et compactée solidement. Sur une surface de glace plane, pour une motoneige sans crampons, cette distance est de 296,7 m. En utilisant le facteur d’efficacité des crampons sur la glace obtenu par Hermance (1997), on peut estimer que la distance de visibilité d’arrêt est de 95,8 m pour sur une surface de glace plane.
Hermance (1997) affirme sans bémol qu’une « motoneige qui n’utilise pas de lisses de carbure ni de crampons, sur une surface glacée, crée une situation très dangereuse » [traduction libre]. Conséquemment, il est légitime de supposer que les motoneigistes empruntant la Route blanche dotent leur motoneige de ces items.
Ensuite, puisque la Route blanche est peu accidentée, on peut conclure qu’une distance de visibilité de 107,2 m permet de freiner sans entrer en collision avec un obstacle. Dans le cadre de la conception d’un sentier comme la Route blanche, le Ministère doit notamment prendre en compte la visibilité afin de déterminer la vitesse permise. Ainsi, dans les courbes, on suggère une vitesse moins élevée, laquelle doit permettre d’éviter une collision, advenant par exemple qu’une motoneige en panne se trouve sur la route.
Il convient donc de traiter tout cycliste se trouvant sur la Route blanche comme une motoneige en panne. Il est d’ailleurs à noter qu’aucune vitesse minimale n’est prévue sur la Route blanche. Par ailleurs, la simple distance de visibilité d’arrêt comme méthode d’évitement d’une collision ne tient pas compte de la capacité des motoneiges à se déporter sur le côté pour éviter un obstacle. Ces calculs permettent cependant de déterminer un objectif de visibilité pour les cyclistes, soit une distance de 107,2 m. En section courante, les motoneigistes devraient pouvoir identifier les cyclistes à cette distance et adapter leur conduite en conséquence ou freiner jusqu’à l’arrêt complet, si nécessaire.
Il est à noter que la pratique du vélo hivernal ou nocturne est permise sur les routes du Québec, ce qui inclut des aménagements routiers où la vitesse affichée est de 100 km/h. Aux fins de comparaison, le tableau I-7.7–1 de la norme du Ministère des Transports du Québec (2019a) rapporte que la distance de visibilité d’arrêt sur une telle route est de 240,7 m, soit plus de deux fois la distance calculée précédemment.
Il apparaît donc que l’usage de fatbikes sur la Route blanche ne représente pas un danger hors du commun pour les cyclistes ainsi que les autres usagères et usagers de la route.
Références
Alger, R. G & Osborne, M. D. (2014). Snowmobile Braking Data, Sign Recognition Analysis And Validation. (Rapport, Keweenaw Research Center, Houghton, Michigan). Repéré à http://www.mtukrc.org/download/Snowmobile_Braking_Sign_Recog_and_Validation_FINAL_Feb_2014.pdf
Hemance, R. S. (1997). Analysis of the effectiveness of snowmobile traction products in enhancement of snowmobile safety. (Rapport, Collision Research Ltd., Tillson, New York). Repéré à : https://www.transports.gouv.qc.ca/fr/ministere/acces-information-renseignements-personnels/documents-reglement-diffusion/demande-acces/Documents/2016/02/lai-2015-2016-349-analysis-snowmobile.pdf
Gouvernement du Québec (2019a). Conception routière. Norme MTQ Tome I. Québec, Québec : Ministère des Transports du Québec.
Gouvernement du Québec (2019b). Règlement sur la motoneige. Chapitre V-1.2, r. 1. Repéré à :
http://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cr/V-1.2,%20r.%201